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Au Sénégal, la production laitière cherche sa voie

Photo : RFI / François-Damien Bourgery

Euractiv | 27 septembre 2018

Au Sénégal, la production laitière cherche sa voie

Par Cécile Barbière

Au Sénégal, le lait local fait face à la concurrence des exportations européennes. Une situation qui rend difficile le développement d’une industrie laitière, malgré une consommation en hausse.

En Afrique de l’Ouest, la campagne « Mon lait est local » cherche à promouvoir une consommation nationale de lait dans les pays producteurs tels que le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Tchad.

Une gageure au Sénégal, ou malgré la présence de 200 000 éleveurs et une consommation en hausse, la majorité du lait consommé est importé… d’Europe. « Au Sénégal, le lait se consomme principalement sous forme de lait en poudre importé et réenrichit en matière végétale », explique Christian Corniaux du CIRAD.

Et pour cause, ce lait en poudre est vendu 30% moins cher que le lait produit localement. Une situation qui s’explique en partie par une politique douanière particulièrement avantageuse pour le lait importé. Le lait européen est taxé à 5 %, en vertu du tarif extérieur commun appliqué par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Quelque 25 000 tonnes sont ainsi importées chaque année, soit 90 % de la consommation nationale.

Sur ce marché ouvert, le lait européen, fortement subventionné par, s’est engouffré dans les pays ouest-africains. Une tendance qui s’est accélérée depuis la suppression des quotas laitiers européens en 2015, mais aussi dans la foulée de la baisse de la consommation européenne. Depuis 2009, les exportations de poudre de lait écrémé ont été multipliée par 3 en Afrique de l’Ouest, selon une étude publiée par Oxfam et SOS Faim.

Consommation intérieure

« Les importations de lait au Sénégal sont destinées à la consommation urbaine, tandis que la production locale – qui est principalement une production pastorale – est consommée dans les campagnes » détaille Christian Corniaux.

Aujourd’hui, la production sénégalaise de lait augmente moins rapidement de la consommation intérieure, très dynamique. Si la consommation de lait par habitant en Afrique de l’Ouest demeure faible (19 kg/an pour la Cedeao), la demande est en forte croissance.

Mais les consommateurs ne sont pas en recherche de produits laitiers locaux, plus coûteux. Et la volonté de consommer locale n’est pas encore un argument de vente. « Ici, les consommateurs ne font par exemple pas véritablement la différence entre le beurre et la margarine » explique Christian Corniaux. Et les produits laitiers réenrichis aux graisses végétales telles que l’huile de palme ont habitué les clients à consommer des produits au goût sucré.

Certaines initiatives locales tentent de mettre en œuvre une production locale professionnelle, à l’image de la Laiterie du Berger, qui produit un yaourt à base de lait local Dolima. En collectant le lait de petits producteurs pastoraux, la Laiterie du Berger a réussi en partie à structurer une filière d’approvisionnement. Mais depuis 2014, elle incorpore jusqu’à 50% de poudre de lait importée dans ses produit pour faire face à la demande.

Autre frein, le manque de professionnalisation de la filière lait. Si le cheptel sénégalais est important par sa taille, le bétail est davantage destiné à la production de viande qu’à la production laitière. « En termes de productivité, c’est un peu comme si en France on essayait de traire des Charolaise » explique Christian Corniaux. Résultat, la productivité par tête de bétail est faible. Les vaches sénégalaises ne produisent en moyenne que 300 litres par an, bien loin des 7 000 litres des races européennes.

Enfin, la question de la disponibilité du fourrage, notamment en saison sèche, limite beaucoup les possibilités de développement de la filière laitière.

Les importations européennes de lait en poudre permettent dans le même temps un accès aux produits laitiers à moindre coût, dans un pays où le niveau de pauvreté demeure élevé. Avec des tarifs bien plus accessibles, les produits laitiers d’importation à bas prix – comme la poudre de lait – permettent de nourrir la population urbaine pauvre.

Accord de partenariat économique

Pour permettre à la filière laitière de se développer, la question des barrières douanières est centrale. Aujourd’hui, le droit de douane appliqué à la poudre de lait (y compris la poudre réengraissée) est relativement faible (5 %), mais il devrait complètement disparaitre à la faveur de l’entrée en application de l’Accord de Partenariat Economique (APE) avec l’UE, qui prévoit une libéralisation complète.


 source: Euractiv