Débattre et voter à Paris c’est bien - Bloquer l’accord UE-Mercosur à Bruxelles c’est mieux
Collectif Stop CETA Mercosur | 25 novembre 2024
Débattre et voter à Paris c’est bien - Bloquer l’accord UE-Mercosur à Bruxelles c’est mieux
Sous pression, l’exécutif a enfin proposé un débat suivi d’un vote à l’Assemblée nationale à propos du très nocif accord UE-Mercosur ce mardi 26 novembre. Le collectif Stop Mercosur en profite pour une remise de pétition de plus de 145 000 signatures contre cet accord.
Ce vote n’a aucun pouvoir pour arrêter les négociations de cet accord, mais il donnera peut-être enfin le courage nécessaire à E. Macron de vraiment essayer de convaincre les autres États membres et la Commission européenne de l’abandonner (et de le prouver). Il y a urgence, car au même moment à Brasilia débutera un nouveau (et ultime ?) round de négociations entre la Commission européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay). Leur objectif reste d’annoncer l’adoption de l’accord lors du sommet du Mercosur à Montevideo (Uruguay) les 5-6 décembre. Autre avantage de ce débat mardi : il montre que rien n’empêche l’inscription rapidement à l’Assemblée nationale d’’un vote sur l’accord commercial avec le Canada (le CETA) qui soulève des risques similaires à l’accord UE-Mercosur, et qui est dans un tiroir depuis son rejet par le Sénat en mars 2024.
Depuis plus de quatre ans maintenant, nous, organisations de la société civile, alertons sur les dangers de l’accord UE-Mercosur et appelons l’exécutif français à ne pas se limiter à dénoncer l’accord UE-Mercosur à Paris mais à s’engager à le faire abandonner par ses partenaires européens. Puisque l’exécutif affirmait que le contenu de l’accord n’était pas « acceptable en l’état », le minimum aurait été de réclamer de 1) rouvrir les négociations sur le contenu de l’accord ; 2) réexaminer le mandat avec lequel la Commission européenne négocie en notre nom. Rien de tout cela n’a été fait.
Avec ce vote mardi 26 novembre à l’Assemblée nationale, il y aura enfin un peu de débat démocratique sur les enjeux et risques d’accords de commerce comme celui avec le Mercosur ou le CETA. Mais cette décision de dernière minute pourrait être un écran de fumée, visant seulement pour l’exécutif à éteindre les critiques, des ONG comme des agriculteurs et agricultrices. Il est impératif qu’E. Macron s’engage et démontre ensuite qu’il met tout en oeuvre pour que l’UE abandonne ce projet. ET c’est possible, car les lignes bougent. Sous la pression des mobilisations agricoles notamment, plusieurs pays importants ont émis de vives réserves : Pologne, Irlande, Italie, Roumanie en plus de l’Autriche et des Pays Bas. Rappelons aussi qu’il ne s’agit pas d’arrêter les échanges commerciaux avec le Mercosur, qui existent déjà , mais bien de stopper cet accord délétère.
Parmi les nombreux risques de cet accord, sociaux et environnementaux, l’accroissement des quotas d’importation de produits agricoles, à tarif douanier réduit, met de l’huile sur le feu de la colère agricole.. Pour la viande bovine, c’est un volume important, additionnel aux volumes déjà importés, de 99 000 tonnes qui serait autorisé à entrer dans l’UE depuis ces pays. Or les agriculteurs et agricultrices en France et dans l’UE dénoncent à juste titre une mise en concurrence déloyale, car les normes de production ne sont pas les mêmes entre l’UE, aux règlementations plus protectrices et ces pays. En effet si les importations de viande traitée aux hormones de croissance sont totalement illégales - et il n’a jamais été question que l’accord UE-Mercosur change cette règle - il est en revanche toujours autorisé d’importer du Brésil et autres pays de la viande issue d’élevages où ont encore lieu des pratiques interdites dans l’UE, comme des traitements avec des antibiotiques activateurs de croissance ou l’utilisation de certaines farines animales. C’est aussi le cas pour les produits agricoles, avec des dizaines de pesticides interdits dans les champs en Europe mais toujours autorisés au Brésil. Les résidus de ces pesticides se retrouvent donc dans nos assiettes via les produits importés. Encourager via cet accord encore plus d’élevage et d’agriculture intensive au Brésil et chez ses voisins est aussi un risque majeur de déforestation accrue. L’élevage bovin est de loin le premier moteur de la déforestation en Amazonie, et le soja cultivé pour nourrir le bétail sud américain est à l’origine d’une destruction immense notamment dans la savane du Cerrado. La déforestation est un fléau pour le climat et la biodiversité, mais aussi pour les droits humains : les communautés autochtones subissent de terribles violences de la part de l’agro-industrie qui peuvent aller jusqu’à des expropriations voire des meurtres.
Mais alors qui est en faveur de cet accord, à qui profite-t-il ? Cet accord veut favoriser les échanges commerciaux de produits issues d’industrie lourdes et polluantes : l’UE compte profiter de cet accord pour accroître ses exportations notamment de véhicules thermiques, mais aussi de pesticides dont elle interdit l’utilisation sur son territoire mais autorise toujours l’export.
Il serait totalement inacceptable de laisser passer cet accord appelé « voitures contre bétail », qui ne bénéficierait qu’à une poignée d’industries, alors qu’une très grande majorité dans l’UE comme dans les pays du Mercosur est contre. Le Parlement européen et la Commission européenne prendraient d’énormes risques politiques de démarrer leur mandature avec un sujet qui divise autant en Europe.
Le collectif Stop Mercosur remettra symboliquement mardi 26 novembre avant le vote à l’Assemblée nationale une pétition avec près de 150 000 signatures contre l’accord UE-Mercosur.
Nous tenons à rappeler quelles sont les exigences de la société civile française, telles que mentionnées dans une lettre ouverte endossée par 40 organisations et publiée il y a peu :
- clarifier publiquement à nouveau la position française : que signifie le « non en l’État » alors que la Commission européenne dit que les négociations sur le contenu de l’accord ne seront pas rouvertes ?
- construire une minorité de blocage
- exiger et obtenir un réexamen du mandat dont la Commission dispose
- s’opposer au splitting de l’accord qui lèverait le droit de veto de chacun des États-membres.
Enfin, si un débat suivi d’un vote a pu être organisé dans de si brefs délais à l’Assemblée nationale, il devrait en être autant pour le CETA, l’accord avec le Canada, toujours pas ratifié alors que 90% du texte est appliqué de façon « provisoire » depuis septembre 2017. Suite au rejet du CETA par le Sénat en mars 2024, nous appelons l’exécutif à inscrire le projet de loi de ratification du CETA dans les plus brefs délais à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.