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Droits humains. Une ONG dénonce l’huile de palme non durable en Malaisie

La Liberté | 11 février 2025
Par Sophie Dupont

Droits humains. Une ONG dénonce l’huile de palme non durable en Malaisie

Voilà plus de dix ans que la Suisse négocie un accord de libre-échange avec la Malaisie. Et un rapport de l’ONG Solidar vient mettre de l’huile sur le feu. Les travailleurs des plantations d’huile de palme qui fournissent les entreprises suisses comme Nestlé et le fabricant de chocolat Barry Callebaut vivent de salaires de misère, même lorsque l’huile est certifiée par un label de durabilité.

La Suisse importe 16% de son huile de palme de Malaisie. C’est le troisième pays de provenance de «l’or rouge», juste derrière les îles Salomon et la Côte d’Ivoire. Au niveau mondial, la Malaisie est le deuxième pays producteur, juste après l’Indonésie. L’huile de palme est également présente dans les produits qui arrivent déjà transformés en Suisse, majoritairement non alimentaires comme du savon, des lessives et des bougies.

«Les salaires versés aux travailleurs et travailleuses ne leur permettent pas de vivre dignement. Tous accumulent les heures supplémentaires, sont endettés dans les magasins d’alimentation, ne peuvent pas être malades sans perdre leur revenu et peinent à couvrir les besoins fondamentaux de leur famille», explique Sylvie Arnanda, responsable communication à Solidar. Le salaire minimum malaisien, réputé très bas, n’est parfois pas respecté. L’ONG a mené son enquête dans la région de Sabah, sur l’île de Bornéo, là où le volume de production d’huile de palme est le plus important.
Sans statut légal

La plupart des travailleurs sont des migrants sans statut légal, en provenance d’Indonésie. «Ils vivent dans un climat de peur, fuient les raids de la police et n’osent pas sortir des plantations», relate la responsable de communication. Exclues du système de santé malaisien, les travailleuses sans statut accouchent dans de très mauvaises conditions, à domicile. Les enfants sans statut légal n’ont pas accès au système scolaire malaisien, mais à des écoles alternatives mises en place par le Gouvernement indonésien pour ses ressortissants.

Cela n’empêche pas le travail des enfants, toujours répandu sur les plantations, comme conséquence des bas salaires, relève Solidar. L’absence de statut légal favorise l’exploitation. «Des salaires très bas peuvent leur être versés. Privées de tout droit, ces personnes n’ont pratiquement aucune possibilité de se défendre», souligne Sylvie Arnanda.

L’or rouge avait déjà fait des vagues au moment de l’accord de libre-échange avec l’Indonésie. Contesté par référendum, le traité avait été accepté de justesse en votation populaire en 2021. La Confédération prévoit une réduction des droits de douane lorsque l’huile de palme en provenance d’Indonésie est certifiée durable, notamment par le label RSPO (Table ronde sur l’huile de palme durable). Une voie similaire pourrait se dessiner pour le traité avec la Malaisie.

Label perfectible

Solidar pointe les faiblesses de ce label. Une des trois plantations analysées par l’ONG est certifiée, sans que les salaires soient suffisants. «La norme RSPO ne garantit pas des conditions de travail dignes. Depuis 2024, le label n’exige même plus le versement d’un salaire décent, mais uniquement de documenter les salaires versés», dénonce Sylvie Arnanda. La certification RSPO est issue du secteur privé et représentée en grande majorité par les entreprises. Les ONG n’y ont qu’une voix minoritaire.

Pour le traité avec la Malaisie, Solidar réclame des garanties de durabilité qui vont plus loin que le standard proposé par le label: un calendrier clair pour la mise en place d’un salaire décent, des procédures d’arbitrage et un mécanisme de sanctions. L’ONG demande l’introduction d’un devoir de diligence qui contraigne les entreprises à respecter les droits humains et l’environnement tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

Ces revendications s’adressent également aux multinationales actives dans le commerce de l’huile de palme. «Nous demandons aux entreprises des contrôles réguliers et rigoureux en matière de protection des droits humains et qu’elles assurent une transparence totale de leur chaîne d’approvisionnement», rapporte Sylvie Arnanda.

«Sujet de préoccupation»

Interrogé par nos soins, le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) affirme que les conditions des travailleurs en Malaisie sont «un sujet de préoccupation de la Suisse». Il précise avoir accueilli une délégation d’activistes et de syndicalistes de Malaisie et d’Indonésie.

Le Seco considère-t-il que le label RSPO, dénoncé par Solidar, est suffisant pour garantir des conditions de travail dignes? Le service de communication ne répond pas directement à la question, mais précise que les conditions de travail du secteur sont un point important des négociations en vue d’un accord de libre-échange.

«La Suisse et ses partenaires de l’AELE visent à renforcer encore dans cet accord l’ancrage des dispositions en matière de respect des droits des travailleurs et des travailleuses par rapport à l’accord conclu avec l’Indonésie», affirme Françoise Tschanz, porte-parole. Questionnée au sujet de la nécessité de sanctions envers les entreprises qui ne garantissent pas les droits humains, elle déclare que la Confédération attend qu’elles «assument leurs responsabilités» et respectent les normes internationales.

De son côté, Nestlé ne se prononce pas sur l’enquête de Solidar ni sur le label RSPO dont elle est membre, mais indique collaborer avec une fondation en Malaisie «pour identifier et traiter les risques en matière de droits humains». «Toute allégation fait l’objet d’une enquête approfondie», assure la multinationale.

Du côté de Barry Callebaut, on affirme avoir mis en place des outils pour garantir la transparence et la durabilité dans la chaîne d’approvisionnement, notamment la possibilité de procéder à des signalements en ligne de problèmes ou d’abus.


 source: La Liberté