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Impasses probables dans les négociations internationales : Le fameux Plan B du ministre «Decroix»

Le Quotidien (Dakar) | Mardi 22 août 2006

COMMERCE - Impasses probables dans les négociations internationales : Le fameux Plan B du ministre «Decroix»

Les députés européens ont dénoncé la poursuite des négociations commerciales entre les pays africains et la Commission de l’Europe, les trouvant inéquitables pour les pays en développement. Parallèlement à cela, les négociations de l’Omc à Genève ont été suspendues sine die, à l’instigation du directeur de cet organisme. Il n’en fallait pas plus pour que les autorités sénégalaises, à l’image du ministre Mamadou Diop Decroix, se rendent enfin compte qu’il faudrait faire quelque chose. En attendant de savoir quoi...

Le Sénégal ne voit plus, semble-t-il, le besoin de poursuivre les négociations commerciales internationales si les choses n’évoluent pas. Mamadou Diop Decroix, le ministre du Commerce suggère que les pays d’Afrique se mettent à étudier la possibilité d’un “Plan B”, alternative au Programme de développement de Doha, qui fonde l’existence même de l’Omc et de tout le système du commerce international. On note en passant que c’est le Président français Jacques Chirac qui avait parlé en son temps, d’un Plan B pour le référendum sur la Constitution de l’Europe. Et les Sénégalais s’approprient le terme aujourd’hui. Cela est symptomatique d’un grand malaise qui a saisi même les plus irréductibles partisans du multilatéralisme, au moment où le directeur de l’Organisation mondiale du Commerce (Omc), le Français Pascal Lamy, a été contraint de suspendre sine die les négociations de Genève, faute de possibilité d’accord entre les différents protagonistes.

M. Diop a donné la primeur de ses réflexions sur le sujet aux journalistes rassemblés en séminaire à Saly par son ministère, pour s’imprégner des questions des négociations commerciales internationales.

Diop Decroix se désole du fait, même si «l’on dit que le Cycle de Doha est un cycle de développement c’est-à-dire que le commerce doit servir au développement», la part de l’Afrique dans le commerce international ne fait que se réduire. «De 12% dans les années 80, la part de l’Afrique dans le commerce mondial est passée à 8% dans les années 1990. Aujourd’hui elle ne représente à peine que 2% des échanges commerciaux internationaux». Les raisons sont faciles à déterminer, ajoute le ministre du commerce. Il s’agit principalement, selon son analyse, de pratiques commerciales déloyales de pays développés, «et paradoxalement autorisées par l’Omc». Et de préciser que les mesures de protection de leurs marchés n’ont pas été levées, si les barrières non tarifaires n’ont pas tout simplement remplacé celles tarifaires. Il cite aussi le dumping, les subventions à l’exportation et les mesures de soutien interne. Toutes, des mesures acceptées par l’Omc, et qui participent à renforcer les inégalités entre pays développés et sous-développés.

L’impasse de l’Omc, actuellement, préfigure, pour le ministre, de l’impasse à laquelle les négociations poursuivies avec l’Union européenne, pour la mise en oeuvre des Accords de partenariat économique (Ape), risquent de déboucher dans l’état actuel des choses. Le plus drôle, si l’on peut dire, est que le ministre sénégalais est obligé, pour étayer ses arguments, de s’appuyer sur un document publié par le Parlement européen au mois de juillet dernier, et qui condamnait la poursuite des négociations actuelles entre l’Europe et les pays Acp. Ce même document a été largement vulgarisé par des Ong anti-Ape, comme Oxfam international. Ledit rapport considère que, si les Ape venaient à être conclus sous la forme qui s’annonce actuellement, cela «portera atteinte à l’objectif d’éradication de la pauvreté assigné par la Convention de Cotonou au partenariat entre l’Ue et les pays Acp». Le parlement européen demande donc que les négociateurs de l’Europe voient leur mandat modifié pour corriger les lacunes actuelles.

Decroix va dans la même lancée pour souligner que l’Afrique, dans le cadre du Plan B qu’il préconise, songe à développer les échanges intra-régionales. Il juge que, si ces dernières augmentaient ne serait-ce que de deux points, les pays africains en retireraient plus de 7 fois ce que leur rapporte l’Aide public au développement qu’ils reçoivent des pays développés.

Les bonnes intentions du ministre sénégalais sont un peu dénaturées par le fait qu’il lui a fallu attendre, comme tous ses pairs africains, que les Européens se rendent compte, avant eux, de ce que les négociations qu’ils poursuivent assidûment depuis 2000 n’étaient pas profitables à leurs économies, pour qu’il pense à réagir. Par ailleurs, s’agissant de son fameux plan B, il ne dessine aucune perspective de mise en oeuvre, ni ne cherche à lui donner un contenu concret. Il interpelle pour sa faisabilité les «décideurs africains», semblant décréter que lui n’en faisait pas partie.

Mohamed GUEYE


 source: Le Quotidien