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Les constructeurs automobiles allemands appellent à scinder l’accord UE-Mercosur en deux face à la résistance française

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Euractiv | 31 janvier 2024

Les constructeurs automobiles allemands appellent à scinder l’accord UE-Mercosur en deux face à la résistance française

Par : Jonathan Packroff et Paul Messad

L’industrie automobile allemande a proposé mardi (30 janvier) de diviser l’accord commercial UE-Mercosur en deux parties distinctes afin de contourner la résistance française. Pour la France, l’option serait inenvisageable.

En France, pour répondre à la gronde sociale du monde agricole, les élus, le gouvernement et le président de la République, ont réitéré ces derniers jours leur opposition à l’accord entre l’UE et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) tel que proposé en l’état, attentatoire aux règles environnementales et sociales européennes.

« Tel que l’accord est en train d’être négocié avec le Mercosur, la France s’y oppose parce que c’est un accord qui date d’il y a plusieurs années et qui n’impose pas aux agriculteurs, comme aux industriels du Mercosur, des règles qui sont homogènes avec les nôtres », a déclaré en ce sens Emmanuel Macron, depuis Stockholm en Suède, mardi.

Par conséquent, « Nous demandons que l’accord, tel qu’il est, ne soit pas signé » a-t-il précisé.

Outre-Rhin, les industriels sont plus enclins à défendre l’accord. L’industrie automobile notamment, espère une ratification rapide pour stimuler les exportations vers l’Amérique du sud, quitte à découper l’accord en plusieurs morceaux.

Scinder l’accord

L’accord commercial entre l’UE et le Mercosur est sur la table des décideurs européens et sud-américains depuis plus de vingt ans.

En 2019, les deux parties avaient finalisé les négociations, avant que les positions du président d’alors, Jaïr Bolsonaro, sur l’environnement et les peuples autochtones, ne refroidissent les ardeurs européennes.

Pour y remédier, et plutôt que de rouvrir les négociations, la Commission européenne avait proposé d’accoler à l’accord un acte additionnel comprenant des clauses environnementales et sociales. La proposition ne satisfaisait ni les opposants à l’accord, car non juridiquement contraignants ni les chefs d’États sud-américains, car attentatoire, selon leurs dires, à leur souveraineté.

Comme solution pour accélérer le processus, Hildegard Müller, directrice de l’association allemande de l’industrie automobile (VDA), a proposé, mardi, de scinder l’accord UE-Mercosur en deux.

« Afin qu’ils puissent avoir un effet, nous devrions nous demander si ces accords commerciaux devraient être divisés en plusieurs parties », a-t-elle déclaré.

Cela permettrait d’appliquer provisoirement certaines parties de l’accord, y compris les droits de douane, plaide-t-elle, tandis que les parties plus controversées pourraient être laissées de côté dans un premier temps.

« Les Allemands tentent de le faire à chaque fois», a déclaré Manon Aubry, co-présidente du groupe de La gauche au Parlement européen, et opposante à l’accord, à Euractiv France.

Vieille tactique

En novembre dernier, le ministre allemand de l’Économie et du Climat, Robert Habeck, avait en effet évoqué son ras-le-bol des accords globaux « c’est-à-dire le fait de tout faire ensemble, la mécanique, les services et l’agriculture », ce qui, selon lui, « ne causent jamais que des problèmes », avait-il déclaré au sujet de l’accord entre l’UE et l’Australie.

Certains accords, comme celui avec l’Australie ou le Mercosur, ont la particularité de nécessiter une adhésion unanime des États membres sur l’ensemble de leurs dispositions pour être ratifiés.

Les scinder en deux permettrait donc d’isoler leur volet commercial et de le faire voter à la majorité qualifiée des États membres, puisque le volet commercial des accords de libre-échange relève de la compétence exclusive de la Commission européenne.

Une scission a déjà été opérée avec l’accord UE-Canada (CETA), provisoirement entré en vigueur en 2017 concernant les droits de douane, tandis que les parties plus controversées doivent encore être ratifiées par tous les États membres avant d’entrer en vigueur.

L’accord entre l’UE et le Chili, signé en décembre, a également été scindé en deux, avec une partie dite « intérimaire », afin d’accélérer sa ratification.

Une option non-envisageable en France

Pour les associations et les élus opposés à l’accord avec le Mercosur, le manège inquiète.

« Ce serait une tentative de détournement démocratique pour passer en force », a pousuivi Mme Aubry.

Quoiqu’il en soit, « pour la France, la scission de l’accord n’est pas une option », a déclaré une source diplomatique européenne, à Euractiv France.

Et pour le moment, l’exécutif français semblerait avoir gain de cause — au moins un temps. Les négociations de haut-niveau entre le commissaire européen au Commerce extérieur, Valdis Dombrovskis, et ses homologues sud-américains, qui étaient prévues jeudi et vendredi (1er et 2 février), ont en effet été annulées.

« M. Dombrovskis est prêt à se rendre sur place pour rencontrer ses homologues dans l’éventualité d’une conclusion politique. Or, suite à la dernière réunion des négociateurs, ce n’est pas le cas », a déclaré mardi Olof Gill, porte-parole de la Commission européenne, lors d’un briefing presse.

La Commission européenne n’a pas pour autant l’intention de laisser tomber l’accord. L’exécutif français non plus, contrairement aux élus de La France insoumise ou du Rassemblement national. Plutôt, M. Macron souhaite rouvrir l’accord pour lui insérer des clauses environnementales et sociales, ce que les décideurs allemands refusent catégoriquement.

« Le gouvernement allemand reste fermement engagé à conclure les négociations avec les pays du Mercosur, le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay, dès que possible », a déclaré un porte-parole du ministère allemand de l’Économie à Euractiv.


 source: Euractiv