Les États-Unis contestent la taxe canadienne sur les services numériques en vertu du nouvel ALENA
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Le Devoir | 30 août 2024
Les États-Unis contestent la taxe canadienne sur les services numériques en vertu du nouvel ALENA
par Boris Proulx
La représentante au commerce des États-Unis, Katherine Tai, lance un processus de règlement des différends avec le Canada afin de contester sa nouvelle taxe sur les services numériques.
Le bureau de la ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, a confirmé vendredi être visé par ce recours commercial, intenté en vertu de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), la nouvelle mouture de l’ALENA. Le gouvernement des États-Unis procède d’abord à des consultations dans l’espoir de s’entendre avec le gouvernement canadien.
« Nous attendons avec intérêt l’occasion de démontrer comment le Canada respecte ses obligations commerciales », a réagi le bureau de la ministre Freeland vendredi.
Trois ans après avoir annoncé son intention d’imposer une taxe de 3 % aux services offerts sur Internet, comme la publicité en ligne, le gouvernement canadien a officialisé son entrée en vigueur en juin. Chrystia Freeland, qui est aussi vice-première ministre du Canada, avait alors précisé qu’elle espérait éviter les représailles des États-Unis, se disant en étroite collaboration avec la secrétaire au Trésor des États-Unis, Janet Yellen, dans ce dossier.
Les consultations annoncées ne commenceront pas avant 30 jours et se dérouleront sur un total de 45 jours. Il est probable que ses conclusions ne soient pas annoncées avant l’élection présidentielle américaine, qui doit avoir lieu le 5 novembre prochain.
La Chambre de commerce du Canada a réagi à l’annonce en demandant à Ottawa de mettre de nouveau sur pause sa taxe sur les services numériques. Dans un communiqué, une porte-parole écrit que la réaction américaine « confirme [ses] préoccupations de longue date selon lesquelles la taxe sur les services numériques endommage notre partenariat le plus lucratif, au moment charnière où nous devons réévaluer l’ACEUM ».
L’affaire pourrait même mener les États-Unis à entreprendre des sanctions contre le Canada, craint le Conseil canadien des affaires.
Divisions à l’international
Le gouvernement Trudeau espérait ne pas en arriver à imposer de taxe sur les services numériques, mais plutôt trouver un compromis avec les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20 pour une réforme fiscale internationale. Ces discussions font toutefois du surplace.
Plusieurs autres pays développés imposent une telle taxe aux géants du Web, notamment la France, le Royaume-Uni et l’Italie. Au total, 138 pays de l’OCDE qui négociaient une réforme fiscale internationale, comme un impôt minimal de 15 % sur les sociétés multinationales, ont toutefois demandé de s’abstenir à créer de nouvelles taxes sur les services numériques l’an dernier. Les États-Unis ont plusieurs fois et très explicitement mis en garde le Canada contre une telle mesure.
Une étude du Bureau du directeur parlementaire du budget a déjà estimé que la taxe sur les services numériques pourrait rapporter au gouvernement fédéral jusqu’à un milliard de dollars par an.
« Le Canada appuie fermement les efforts internationaux visant à mettre fin à la course mondiale au moins-disant fiscal et à veiller à ce que toutes les entreprises, y compris les plus grandes entreprises du monde, paient leur juste part partout où elles font des affaires. Le filet de sécurité sociale solide et essentiel du Canada repose sur une assiette fiscale nationale solide, qui dépend des personnes qui font des affaires au Canada et qui paient leur juste part d’impôt », peut-on lire dans un communiqué conjoint de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, et de la ministre de la Promotion des exportations, du Commerce international et du Développement économique, Mary Ng.
Même si les États-Unis désapprouvent la nouvelle taxe sur les services numériques du Canada, son gouvernement a salué la décision du gouvernement Trudeau d’imposer des tarifs douaniers de 100 % sur les nouveaux véhicules électriques chinois.