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NON à l’accord commercial entre l’Indonésie et l’UE : Déclaration commune sur les matières premières dans le cadre de l’accord UE-Indonésie

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Amlia, a resident of Sukarela Jaya, shows a coconut tree on her farm that was damaged by mud.
Project Multatuli/Yuli Z.

European Trade Justice Coalition - 18 février 2025

NON à l’accord commercial entre l’Indonésie et l’UE : Déclaration commune sur les matières premières dans le cadre de l’accord UE-Indonésie

Accord de partenariat économique global UE-Indonésie

L’Indonésie et l’Union européenne négocient l’accord commercial UE-Indonésie depuis 2016. Des points litigieux subsistent dans les négociations, l’un des principaux portant sur les matières premières, dans le cadre du chapitre sur l’énergie et les matières premières. Ce chapitre réglemente spécifiquement l’accès au marché et l’investissement dans les secteurs de l’énergie et des matières premières, afin de garantir l’absence d’obstacles au commerce et aux investissements de l’UE.

Cependant, la libéralisation des investissements et du commerce de l’énergie et des matières premières dans le cadre de l’accord de libre-échange Indonésie-UE aurait un impact négatif sur les intérêts nationaux de l’Indonésie, sur l’environnement et sur l’ensemble de sa population. C’est pourquoi, tout en reconnaissant l’importance d’une relation approfondie entre l’UE et l’Indonésie basée sur la solidarité et la coopération commerciale, les groupes de la société civile européenne et indonésienne souhaitent exprimer leurs inquiétudes quant aux implications de l’accord, en particulier concernant les droits humains et l’environnement, ainsi que la capacité de l’Indonésie à ajouter de la valeur à ses matières premières.

Pratiques minières irresponsables et leurs conséquences sociales et écologiques

La demande croissante de matières premières minières essentielles pour la transition énergétique a entraîné une surexploitation et une extraction des ressources naturelles, comme c’est le cas en Indonésie.

Selon certaines estimations, l’Indonésie fournit plus d’un quart des besoins mondiaux en minerais. C’est le premier producteur mondial de nickel. Elle produit aussi d’importantes quantités de charbon, de cuivre, de cobalt, d’étain, d’or et de bauxite. Dans les « provinces du nickel » de Sulawesi et de Maluku Nord, les dommages causés par l’exploitation minière prennent différentes formes. Les organisations de la société civile ont observé la pollution des mers et des rivières qui contaminent des eaux autrefois vierges, réduisent les stocks de poissons, provoquent des infections cutanées chez les enfants et menacent les moyens de subsistance des populations locales et des communautés indigènes. L’exploitation du nickel à Raja Ampat menace le système de récifs coralliens le plus riche en biodiversité de la planète et pourrait exacerber le conflit armé en Papouasie occidentale, qui cause actuellement le déplacement de près de 80 000 personnes. L’exploitation minière entraîne également la déforestation et le déplacement forcé des populations locales. Les femmes sont contraintes de « s’adapter » à la situation en devenant ouvrières minières dans des conditions de travail précaires, ou en acceptant des emplois informels tels que vendeuses ambulantes ou travailleuses du sexe. L’extraction de matières premières essentielles se fait également aux dépens des travailleurs et des syndicats.

Les impacts sociaux et environnementaux de l’extraction minières pour la transition vers l’énergie verte ne sont pas efficacement traités dans le chapitre sur l’énergie et les matières premières de l’accord Indonésie-UE, car il n’y a pas d’implications juridiques pour les parties qui ne parviennent pas à atténuer ces impacts. L’efficacité des dispositions du chapitre sur le commerce et le développement durable reste discutable, car il n’existe pas de mécanisme contraignant d’application pour les parties concernées, en particulier les entreprises. Cela risque d’éroder la souveraineté de l’Indonésie dans la gestion de ses ressources naturelles et de sa valeur ajoutée nationale, et de favoriser une nouvelle période d’extractivisme.

Absence de valeur ajoutée et affaiblissement du développement industriel de l’Indonésie

Le chapitre sur l’énergie et les matières premières réglemente spécifiquement l’accès au marché et l’investissement dans ces secteurs, et vise à garantir qu’il n’y a pas d’obstacles au commerce et aux investissements de l’UE dans ces domaines. Ce chapitre vise à garantir que l’Indonésie ouvre l’accès au marché et élimine toute forme de traitement « discriminatoire » dans ces secteurs. Il comprend des dispositions interdisant les restrictions à l’exportation, y compris l’élimination en principe de tous les droits à l’exportation ou de toute mesure ayant un effet équivalent. Toutefois, cette disposition est en contradiction avec la politique indonésienne qui consiste à limiter les exportations de minerais bruts pour favoriser la transformation locale.

La pression exercée par l’UE sur l’Indonésie pour qu’elle supprime les restrictions sur les exportations de minerais bruts remet en question la volonté de l’UE de soutenir la production nationale à valeur ajoutée dans ses pays partenaires. Pour aggraver les choses, la disposition relative aux exigences de performance interdit également l’application des exigences en matière de contenu local et de transfert de technologie, pourtant essentiels. Cette interdiction rendra encore plus difficile pour l’Indonésie de renforcer son programme économique en aval autour de la production nationale à valeur ajoutée. En réalité, si la politique industrielle de l’UE est menée selon les pratiques habituelles, elle ne fera qu’aggraver les inégalités de développement dans les pays en développement comme l’Indonésie. Dans ce cas, la volonté de l’UE de garantir l’approvisionnement en minerais essentiels à son développement industriel ne fera que perpétuer les pratiques commerciales extractives existantes.

Le chapitre sur l’énergie et les matières premières encourage également la privatisation en interdisant au gouvernement d’intervenir dans la fixation des prix des produits énergétiques. Ces dispositions profiteront uniquement aux acteurs privés étrangers qui opèrent en Indonésie en tant que producteurs d’électricité indépendants et contraindront le gouvernement indonésien à acheter l’électricité au prix fixé par l’entreprise. En fin de compte, ce mécanisme alourdira la charge des finances de l’État et compromettra l’accès de la population à une électricité abordable, tout en empêchant la réalisation d’une transition énergétique équitable.

Protection des entreprises pour l’approvisionnement en minerais essentiels en Indonésie

L’expansion de l’extraction des ressources par l’UE et la privatisation du secteur public de l’énergie en Indonésie ne feront que renforcer la position des multinationales. C’est ce que montre le chapitre sur l’investissement de l’accord entre l’Indonésie et l’UE, qui contient le système juridictionnel des investissements (ICS, selon l’acronyme anglais). La proposition de l’UE concernant l’ICS n’est qu’une nouvelle présentation du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS, selon l’acronyme anglais) préexistant qui accorde des droits spéciaux aux multinationales leur permettant de poursuivre un État. Compte tenu de la tendance mondiale à la concurrence pour s’assurer des approvisionnements en minerais essentiels et du programme de nationalisation des ressources dans le cadre de la nouvelle loi minière indonésienne, l’Indonésie risque davantage de poursuites judiciaires, d’autant que le pays a déjà fait l’expérience du traitement des plaintes ISDS. Le secteur minier est l’un des secteurs les plus litigieux en matière d’ISDS. Par conséquent, nous estimons que l’intégration de telles dispositions dans l’accord Indonésie-UE aura un impact sur la protection des droits du peuple indonésien par rapport aux entreprises. L’UE a récemment décidé de se retirer du Traité sur la Charte de l’énergie à la suite de plusieurs affaires d’ISDS, mais elle continue à promouvoir des dispositions sur l’ICS dans le cadre de ses négociations commerciales. Cette contradiction illustre l’approche hypocrite de l’UE en ce qui concerne le mécanisme de l’ISDS.

Conséquences pour l’UE

Outre les conséquences négatives potentielles pour l’Indonésie, la politique de l’UE visant à promouvoir la libéralisation du marché a en fait nui à l’accès de l’UE à des matières premières essentielles. Alors que l’UE se bat contre l’Indonésie au sujet des règles commerciales, la Chine a investi des dizaines de milliards dans l’extraction et le raffinage du nickel dans ce pays. Les producteurs chinois ont ainsi pu s’assurer un approvisionnement considérable en nickel pour leur transition énergétique. Actuellement, 80 à 82 % de la production indonésienne de nickel de qualité batterie sont produits par des entreprises chinoises.

L’UE devrait donc s’orienter vers un partenariat véritablement égalitaire avec l’Indonésie, qui ne l’oblige pas à libéraliser ses exportations de matières premières ou à renoncer à sa souveraineté en matière de fixation des prix, mais qui montre au contraire sa volonté de soutenir la valeur ajoutée indonésienne et le développement économique durable. L’UE peut proposer une alternative au traitement du nickel en Indonésie, qui est dangereux et destructeur pour l’environnement, en investissant dans des capacités de traitement plus propres et plus responsables, en les soutenant et en payant un prix équitable pour les ressources. Cela permettrait d’établir une norme en matière de pratiques commerciales équitables, égales et durables.

Nos demandes :

Les organisations de la société civile d’Europe et d’Indonésie demandent :

  • L’UE et le gouvernement indonésien doivent mettre fin aux négociations sur le l’accord de libre-échange entre l’Indonésie et l’UE, car il représente une menace pour l’environnement et le climat, ainsi que pour les droits des femmes, des peuples indigènes, des travailleurs, des petits agriculteurs et des pêcheurs.
  • L’Indonésie doit pouvoir conserver l’espace politique nécessaire pour développer sa propre chaîne de valeur en matière d’énergie et de matières premières, y compris ses capacités de traitement et de raffinage. En effet, les chapitres sur l’énergie et les matières premières de l’accord limiteraient la capacité de l’Indonésie à protéger son marché intérieur par des droits de douane et des quotas (temporaires) et à développer ses propres capacités de production.
  • Une transition énergétique juste ne peut être réalisée en privatisant les biens publics, notamment l’énergie. Le contrôle public de l’État doit être renforcé et non affaibli par le programme de libéralisation du secteur des énergies renouvelables.
  • L’UE et l’Indonésie ne devraient pas accepter de mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS), comme dans les accords de l’UE avec le Mexique et le Chili. La protection des investissements, y compris le système juridictionnel des investissements (ICS), pourrait limiter la capacité de l’État à répondre aux demandes du public pour mettre en œuvre une politique climatique socialement juste.
  • L’accord Indonésie-UE ne devrait pas intégrer des éléments de la « loi omnibus sur la création d’emplois » indonésienne, car cela aggrave la situation en matière de droits humains et de protection du travail dans ce pays. L’UE et l’Indonésie doivent adhérer aux normes et conventions de l’OIT adoptées au niveau international.
  • La coopération commerciale doit garantir que les matières premières échangées sont issues d’une production respectueuse des normes environnementales et de la diligence raisonnable. Les études d’impact social et environnemental doivent être obligatoires pour tout projet d’exploitation minière ou de production d’énergie. Les droits des communautés affectées par l’extraction de matières premières essentielles doivent être renforcés et ces droits doivent être pris en compte dès la phase de planification et de mise en œuvre de tout projet. Le consentement libre, préalable et éclairé des communautés autochtones doit être garanti et leurs décisions doivent être respectées.
  • L’UE devrait réduire son empreinte en termes de matières premières afin de rester dans les limites de la planète et de réduire sa dépendance à l’égard des ressources provenant d’autres pays, comme l’Indonésie. L’UE doit s’engager à réduire la consommation de matières premières essentielles en fixant des objectifs de réduction de la consommation par le biais de mesures d’efficience, de conception responsable et de technologies de substitution.

Signataires

organisations internationales et régionales
Climate Action Network Europe (CAN Europe)
Climate Action Network Southeast Asia (CANSEA)
EU Raw Materials Coalition
European Coordination Via Campesina
European Trade Justice Coalition
Fern
Friends of the Earth Europe
GRAIN
Plataforma América Latina y el Caribe mejor sin TLC
Publish What You Pay
Regions Refocus
SIRGE Coalition
Transnational Institute

organisations nationales
Asamblea Argentina mejor sin TLC, Argentina
ATTAC Argentina, Argentina
Anders Handeln, Austria
Attac Austria, Austria
National Garment Workers Federation, Bangladesh
11.11.11, Belgium
CNCD 11.11.11, Belgium
Global Aktion, Denmark
Miljøbevægelsen NOAH- Friends of the Earth Denmark, Denmark
ActionAid France, France
Aitec, France
Alofa Tuvalu, France
Alternatiba, France
Amis de la Terre / Friends of the Earth, France
ANV-COP21, France
Attac France, France
CADTM France, France
Canopée, France
CCFD-Terre Solidaire, France
CGT (Confédération Générale du Travail), France
Collectif national Stop CETA/Mercosur, France
Confédération paysanne, France
CRID, France
Extinction Rebellion France, France
Fédération Artisans du Monde, France
Fondation Copernic, France
France Nature Environnement, France
FSU (Fédération Syndicale Unitaire), France
Générations Futures, France
Notre Affaire à Tous, France
Reclaim Finance, France
Union Syndicale Solidaires, France
Veblen Institute for Economic Reforms, France
Nature & Progrès Fédération, France & Belgium
Attac Germany, Germany
Berliner Wassertisch, Germany
Brot für die Welt, Germany
FIAN Deutschland, Germany
German NGO Forum on Environment & Development, Germany
Human Rights Monitor, Germany
Misereor, Germany
NaturFreunde Deutschlands, Germany
Netzwerk gerechter Welthandel, Germany
PowerShift e.V., Germany
Rettet den Regenwald, Germany
Slow Food Deutschland, Germany
Stiftung Asienhaus, Germany
Umweltinstitut München e.V., Germany
Urgewald, Germany
Watch Indonesia! Für Menschenrechte, Demokratie und Umwelt in Indonesien und Osttimor e.V., Germany
WEED – World Economy, Ecology, & Development, Germany
Aceh Wetland Foundation, Indonesia
AEER (Aksi Ekologi & Emansipasi Rakyat), Indonesia
BAKUMSU, Indonesia
Bina Desa, Indonesia
Borneo Institute, Indonesia
CEMWU KSPSI, Indonesia
Farkes Reformaasi, Indonesia
FIAN Indonesia, Indonesia
Forum penjaga hutan dan sungai harimau pining, Indonesia
FSPI (Federasi Serikat Pekerja Indonesia), Indonesia
Indonesia AIDS Coalition, Indonesia
Indonesia for Global Justice (IGJ), Indonesia
Indonesia Green Party (Partai Hijau Indonesia), Indonesia
JAMTANI (Indonesian Peasant Community Organization), Indonesia
Jaringan Advokasi Tambang Sulawesi Tengah ( JATAM SULTENG, Indonesia
Jaringan Kerja Lembaga Pelayanan Kristen di Indonesia (JKLPK), Indonesia
Koalisi perempuan jaga lingkungan, Indonesia
Kolektif Semai, Indonesia
Lembaga Pengkajian Hukum Internasional, Indonesia
MATEPE Foundation, Indonesia
Pemerhati Lingkungan hidup Urai Uni, Indonesia
Pengurus Wilayah Aliansi Masyarakat Adat Nusantara (AMAN) Tano Batak, Indonesia
Persatuan Pegawai PT PLN Indonesia Power, Indonesia
Persaudaraan Pekerja Muslim Indonesia ’98, Indonesia
Petrasa Foundation, Indonesia
Puanifesto, Indonesia
Publish What You Pay (PWYP) Indonesia, Indonesia
Sahita Institute, Indonesia
Satya Bumi, Indonesia
Save Our Borneo, Indonesia
SERBUK Indonesia, Indonesia
Serikat Petani Indonesia, Indonesia
Solidaritas Perempuan, Indonesia
Wahana Lingkungan Hidup Indonesia (WALHI), Indonesia
WALHI Bengkulu, Indonesia
WALHI NTT, Indonesia
WALHI Papua, Indonesia
WALHI Sumatera Utara, Indonesia
Yayasan Ambeua Helewo Ruru, Indonesia
Yayasan Apel Green Aceh, Indonesia
Yayasan Bina Insani Indonesia Kendari / Foundation For Human Development, Indonesia
Yayasan Motivator Pembangunan Masyarakat (MPM), Indonesia
Yayasan Pusaka Bentala Rakyat, Indonesia
YIHUI (Yayasan Insan Hutan Indonesia), Indonesia
Observatorio Fairwatch, Italy
Mouvement Ecologique asbl / FoE Luxembourg, Luxembourg
Both ENDS, Netherlands
FNV, Netherlands
Handel Anders! coalitie, Netherlands
Platform Aarde Boer Consument, Netherlands
SOMO, Netherlands
Working group Food Justice, Netherlands
Trade Justice Pilipinas, Philippines
TROCA – Plataforma por um Comércio Internacional Justo, Portugal
Earth Thrive, Serbia
Observatori del Deute en la Globalització, Spain
Ongd AFRICANDO, Spain
SETEM Catalunya, Spain
Southern and Eastern Africa Trade Information and Negotiation Institute (SEATINI), Uganda


 source: European Trade Justice Coalition