Pipeline Keystone XL : TransCanada poursuit les États-Unis
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Le Devoir | 7 janvier 2016
Pipeline Keystone XL : TransCanada poursuit les États-Unis
par Alexandre Shields et Éric Desrosiers
TransCanada sort l’artillerie lourde. La multinationale des énergies fossiles a annoncé mercredi qu’elle réclame plus de 15 milliards de dollars au gouvernement américain, en raison du rejet de son projet de pipeline Keystone XL. L’entreprise juge même que le président Barack Obama a outrepassé ses pouvoirs en refusant de donner le feu vert au projet d’exportation de pétrole des sables bitumineux.
Par voir de communiqué, TransCanada a ainsi annoncé qu’elle intentait un recours en vertu du chapitre xi de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États compris dans le chapitre xi de l’ALENA permet en effet aux entreprises privées qui s’estimeraient victimes de politiques discriminatoires de poursuivre les États devant des tribunaux parallèles formés d’experts.
Le refus du projet serait « contraire à tout précédent » et « inconséquent avec l’application raisonnable et attendue des règles applicables et de la réglementation », selon l’entreprise. Jugeant en outre que le refus du président Obama est « arbitraire et injustifié », la pétrolière albertaine réclame pas moins de 15 milliards de dollars en dommages et intérêts.
La multinationale albertaine a également annoncé avoir déposé une poursuite devant la cour fédérale de Houston, au Texas. En vertu de cette poursuite, l’entreprise prétend que « la décision du président de refuser la construction de Keystone XL excède ses pouvoirs en vertu de la constitution américaine ».
Sables bitumineux
Il faut dire que le puissant lobby pétrolier plaide depuis des années en faveur de Keystone XL, conçu pour faciliter l’exportation de la production pétrolière albertaine, toujours en croissance. Ce pipeline doit permettre de transporter quotidiennement 830 000 barils de pétrole jusqu’aux raffineries du Texas. Cela équivaut à 292 millions de barils par année.
Un nouveau tronçon de pipeline de près de 2000 kilomètres de long devrait pour cela être construit entre l’Alberta et le Nebraska, où il serait raccordé à une autre conduite transportant le pétrole vers les raffineries du golfe du Mexique.
Or, le président Obama a rejeté officiellement le projet Keystone XL le 6 novembre dernier, jugeant que l’oléoduc ne servirait pas les intérêts nationaux des États-Unis.
M. Obama a justifié sa décision en soulignant que l’oléoduc avait tenu un rôle trop large dans le discours politique du pays. Il a par ailleurs expliqué la décision en indiquant que le projet n’aurait pas contribué de manière importante et durable à l’économie américaine, qu’il n’aurait pas fait diminuer les prix du pétrole — qui, a-t-il rappelé, ont déjà baissé de toute façon — et qu’il n’aurait pas renforcé la sécurité énergétique du pays.
La première demande de permis de TransCanada pour le projet Keystone XL remonte à septembre 2008, soit quelques semaines avant que Barack Obama ne soit élu président.
Avec le rejet de Keystone XL et le blocage du projet Northern Gateway, vers la côte ouest canadienne, la pression est plus forte que jamais pour que le gouvernement canadien donne le feu vert au projet de pipeline Énergie Est, qui doit traverser le Québec sur près de 700 kilomètres.
Il faut savoir que sans nouveau projet de pipeline, l’industrie des énergies fossiles de l’Ouest pourrait atteindre bientôt un point de blocage quant à sa capacité à exporter la production en croissance des sables bitumineux.