UE-Mercosur : Michel Barnier prêt à bloquer l’accord
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Euractiv | 13 septembre 2024
UE-Mercosur : Michel Barnier prêt à bloquer l’accord
Par : Hugo Struna et Paul Messad
Selon des informations d’Euractiv, le nouveau Premier ministre Michel Barnier est opposé à la conclusion de l’accord commercial entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur, contre la volonté présumée de Bruxelles de parapher le document lors du G20 au Brésil fin novembre.
Les négociations concernant l’accord entre l’UE et le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Urugay) pourraient se conclure fin novembre lors du G20 de Rio, selon une source interne à la Commission européenne. La France, qui bloque le texte depuis 2019, ne semble pourtant pas décidée à ratifier le traité.
« [Le nouveau Premier ministre, Michel Barnier] et le président de la République sont favorables à trouver une minorité de blocage pour empêcher cette signature », explique pour Euractiv le député du Mouvement démocrate (MoDem) Pascal Lecamp, qui a directement interrogé le Premier ministre sur le sujet mercredi 11 septembre.
Trouver une façon de bloquer la signature est « une priorité » pour Michel Barnier, « très attaché aux clauses miroirs », explique encore le parlementaire.
25 ans de blocages
Sur la table des négociations depuis les années 1990, l’accord d’association UE-Mercosur fut signé en 2019. Mais la classe politique française bloque depuis toute conclusion définitive du texte s’il ne contient pas de clauses miroirs, c’est-à-dire de clauses de réciprocité sur les normes environnementales et sociales qui s’appliquent dans les pays concernés.
L’administration brésilienne, elle, envisagerait une conclusion de l’accord « avant la fin de l’année », révèle Reuters, suite à des « progrès significatifs » effectués lors de réunions début septembre. Dans le même temps, le Financial Time révélait une lettre envoyée à la Commission européenne par onze États membres de l’UE, dont l’Allemagne et l’Espagne, pour qu’elle accélère les discussions.
Depuis, les opposants à l’accord, portés notamment par les éleveurs français, exigent que l’exécutif parisien réagisse, alors même que ce dernier est empêtré dans une crise de légitimité.
La fragilité de la position française
La France vit actuellement une crise politique sans précédent suite à la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin par Emmanuel Macron, dont les positions et celles de l’exécutif français sur la scène internationale sont désormais fragilisées.
Dès lors, l’accord peut bien être « fermé à double tour », comme le dit à Euractiv le député Les républicains (LR) Antoine Vermorel-Marques, un proche de Michel Barnier, « la question n’est pas tant de connaître la position de l’exécutif, mais sa capacité à la porter », avance son collègue Pascal Lecamp.
« Qu’est-ce que [Emmanuel Macron] va faire vu l’état d’affaiblissement dans lequel il est ? », renchérit en ce sens un fonctionnaire européen cité par Le Figaro.
Les conséquences d’une minorité de blocage
Pour remédier à l’impuissance, Michel Barnier propose une minorité de blocage d’États membres.
Concrètement, cela permettrait de révoquer le mandat de négociation dévolu à la Commission européenne au nom des Vingt-Sept, explique pour Euractiv l’économiste Maxime Combes, co-animateur du collectif français Stop CETA-Mercosur, opposé à l’accord.
Cette posture « est une évolution de la position de la France, car [Emmanuel] Macron ne l’a jamais exprimé ainsi », note d’ailleurs l’économiste.
Mais quid de son utilité si, comme la législation européenne l’exige, l’accord doit, de toutes les façons, être ratifié à l’unanimité des États membres réunis en Conseil de l’UE, et disposer du feu vert des parlements nationaux ?
Peu de chances d’un accord en novembre
Dans les faits, il se pourrait que la Commission coupe l’accord en deux, isolant le volet commercial (95 % de l’accord) de manière à ce qu’il ne soit voté qu’à la majorité qualifiée du Parlement européen et du Conseil de l’UE, représentant quinze États membres et 35 % de la population de l’Union.
« Il y a pour l’instant onze pays qui se sont clairement positionnés en faveur de l’accord. C’est à la fois beaucoup et peu, car nous sommes loin de la majorité qualifiée », se rassure Maxime Combes.
Dès lors, si la France continue de faire blocage, il est alors très peu probable qu’un accord soit finalisé fin novembre au G20, au risque, sinon, d’une « déflagration diplomatique », prophétise l’économiste.
Quoiqu’il en soit, la Commission européenne n’est « pas encore prête à conclure les négociations », malgré les dires d’une conclusion au G20, explique pour Euractiv un porte-parole de l’institution.