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Accord avec le Mercosur et rapprochement avec l’Amérique latine : les nouvelles priorités de l’UE

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Euractiv | 6 juin 2023

Accord avec le Mercosur et rapprochement avec l’Amérique latine : les nouvelles priorités de l’UE

par Alexandra Brzozowski

L’UE mettra la priorité sur la conclusion d’un accord commercial longtemps retardé avec le bloc sud-américain Mercosur et sur une coopération institutionnelle plus étroite alors qu’elle cherche de nouveaux alliés pour réduire les dépendances économiques envers la Chine et à contrer la Russie. C’est ce que révèle un projet de proposition qui a fait l’objet d’une fuite, consulté par EURACTIV mardi (6 juin).

Après des années d’absence relative, les relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes sont revenues à l’ordre du jour de l’UE qui craint de perdre son influence dans la région en raison de l’affaiblissement des accords commerciaux.

Le projet de proposition de la Commission européenne appelle à des sommets plus réguliers entre l’UE et la Communauté des États latino-américains et des Caraïbes (CELAC), à des progrès sur les accords commerciaux en cours et à davantage d’investissements par le biais de la stratégie « Global Gateway » de l’UE, conçue pour rivaliser avec le programme d’investissement « une ceinture, une route » (Belt and Road, BRI) de la Chine.

Garantir l’accès aux matières premières et autres ressources clés de l’Amérique latine face aux « défis géopolitiques croissants » est une priorité de la proposition, qui devrait être présentée par le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, mercredi (7 juin).

« En renforçant le partenariat entre deux régions qui comptent parmi les plus proches du monde en termes d’intérêts et de valeurs, l’UE et l’ALC [Amérique latine et Caraïbes] seront mieux placées pour faire face aux défis mondiaux », peut-on lire dans la dernière version.

Le renforcement des liens avec l’Amérique latine permettrait aux deux parties de réduire la « dépendance excessive » à l’égard des pays tiers et aiderait l’UE à « réduire les risques » face à la Chine, ajoute le document.

L’Amérique latine est un grand producteur de cuivre, abrite la plupart des gisements de lithium connus dans le monde, ainsi que d’importantes quantités de pétrole et de gaz naturel, tous essentiels à la transition énergétique verte de l’UE.

Bruxelles cherche à signer des accords avec les pays d’Amérique latine, comme le prévoit la nouvelle stratégie de l’UE sur les matières premières critiques, selon le document.

Cela permettrait d’atténuer les risques pesant sur les chaînes d’approvisionnement en matières premières, mis en évidence par les pénuries survenues lors de la pandémie et la crise énergétique à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Le document établit également une feuille de route pour la conclusion de plusieurs accords de libre-échange et de partenariat avec les pays d’Amérique latine dans les meilleurs délais et pour le renforcement des relations bilatérales avec le Brésil et le Mexique.

Les accords commerciaux potentiels s’appuieraient sur un programme de l’UE visant à investir dans des projets de transition verte et numérique en Amérique latine, qui devrait être approuvé lors d’un sommet entre l’UE et la CELAC en juillet, la première réunion de ce type depuis 2015.

La volonté d’améliorer les relations intervient alors que l’Europe a commencé à chercher de nouveaux fournisseurs d’énergie et de denrées alimentaires après le début de la guerre entre la Russie et l’Ukraine.

Le projet de proposition de la Commission européenne mentionne spécifiquement le pacte commercial de l’UE avec le bloc Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay), qui est au point mort, comme un élément clé de l’offensive diplomatique auprès des pays d’Amérique latine.

« La conclusion de l’accord UE-Mercosur marquerait une étape dans le renforcement des relations entre l’UE et les pays d’Amérique latine et des Caraïbes », peut-on lire dans le document.

Le principe d’un pacte commercial entre l’UE et le Mercosur a été approuvé en 2019, mais sa ratification est au point mort en raison de la réticence de certains parlements nationaux, dont les Pays-Bas et l’Autriche, à faire des compromis sur les normes environnementales.

La France, qui a vu les agriculteurs locaux s’opposer à l’accord, a depuis déclaré qu’elle souhaitait que le Mercosur accepte divers engagements supplémentaires, notamment le respect des règles de l’UE en matière de déforestation, avant que Paris n’apporte son soutien.

Toutefois, l’Union européenne et la majorité de ses États membres craignent que de nouveaux retards dans la mise en œuvre du Mercosur et d’autres accords commerciaux ne poussent l’Amérique latine à se rapprocher de la Chine.

L’UE souhaite que l’Amérique latine prenne des engagements supplémentaires en matière de protection de l’environnement dans une lettre annexe à l’accord.

Rapprochement diplomatique

L’UE devrait organiser un sommet avec la CELAC en juillet à Bruxelles, qui devrait montrer l’unité politique entre les « partenaires naturels », comme l’a précédemment décrit M. Borrell.

Mais ce n’est pas tout : le projet de proposition de la Commission prévoit un « partenariat stratégique renouvelé » entre les deux régions.

« Ce que nous proposons est un partenariat différent, plus moderne — nous serons des partenaires par choix », a indiqué un haut fonctionnaire avant la présentation de la proposition.

Toutefois, les divergences concernant l’invasion de l’Ukraine par la Russie ont révélé des tensions sous-jacentes entre les deux blocs.

Sur le plan politique, les gouvernements d’Amérique latine et des Caraïbes sont des acteurs importants lorsqu’il s’agit de voter des résolutions sur la Russie à l’Assemblée générale des Nations unies, un forum que l’UE a utilisé pour faire pression contre l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie.

Mais le principe de non-intervention dans les affaires étrangères a des racines profondes en Amérique latine.

La position inconfortable de l’Amérique latine à l’égard de l’invasion de l’Ukraine a été mise en évidence lorsque le président argentin Alberto Fernandez et le président brésilien de l’époque, Jair Bolsonaro, ont décidé de rencontrer le président russe Vladimir Poutine quelques jours seulement avant que les forces de Moscou ne franchissent la frontière ukrainienne.

Le nouveau président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a suscité la colère de nombreux Occidentaux en avril lorsqu’il a demandé aux États-Unis et aux alliés européens de cesser de fournir des armes à l’Ukraine, affirmant qu’ils prolongeaient la guerre.

Pour rapprocher les deux blocs au-delà des échanges commerciaux, l’UE entend organiser plus régulièrement des sommets avec l’Amérique latine, notamment des réunions bilatérales avec le Brésil et le Mexique et des réunions des ministres des Affaires étrangères.

Pour renforcer le dialogue UE-CELAC, l’objectif est de « mettre en place un mécanisme permanent de coordination UE-CELAC », une structure qui pourrait réunir des fonctionnaires de haut niveau plusieurs fois par an, selon le document.

« Cela nous permettrait de faire face à une crise comme celle de l’Ukraine, de faciliter le travail des ministres des Affaires étrangères et de combler un vide qui existait ces dernières années », a expliqué un autre haut fonctionnaire de l’UE.

Avant octobre, aucune réunion entre les ministres européens des Affaires étrangères et leurs homologues d’Amérique latine n’avait eu lieu depuis 2018.


 source: Euractiv