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Accord de partenariat économique entre le Kenya et l’UE : un examen approfondi révèle des progrès limités

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Photo: GRAIN

Accord de partenariat économique entre le Kenya et l’UE : un examen approfondi révèle des progrès limités

par Marc Maes | 11.11.11, Belgique

19 juillet 2023

La Commission européenne (CE) a, le 19 juin 2023, annoncé avec enthousiasme la conclusion d’un nouvel accord de partenariat économique (APE) entre le Kenya et l’UE, le présentant comme une réussite majeure. Cependant, une analyse approfondie révèle que cet accord ne présente que peu de nouveautés, à l’exception de deux éléments clés : il est désormais bilatéral et comporte un chapitre inspiré du modèle néo-zélandais sur le commerce et le développement durable.

Malgré les célébrations de la CE, l’APE entre le Kenya et l’UE reste principalement axé sur le commerce superficiel de marchandises, loin de répondre aux aspirations initiales de la CE après 25 ans de négociations laborieuses. En réalité, le chapitre sur le commerce et le développement durable, mis en avant par la CE, dissimule un revers significatif.

La saga de l’APE du Kenya est loin d’être terminée. L’accord comprend des clauses de rendez-vous qui obligent le Kenya à poursuivre les négociations sur diverses "nouvelles questions" telles que l’investissement, les services, les marchés publics et les droits de propriété intellectuelle. Il n’est pas certain que le Kenya soit prêt à accepter ces chapitres supplémentaires. En tournant le dos à la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), composée de l’Ouganda, du Rwanda, du Burundi et de la Tanzanie, le Kenya a affaibli sa position et aura plus de difficultés à résister à la pression de la CE pour des négociations plus approfondies. Il reste à voir si le Kenya a déjà promis d’inclure ces questions.

Contexte de l’APE

Pour comprendre pleinement la situation, il est important de revenir sur les origines des APE et d’examiner les préoccupations qui les entourent.

Après la décolonisation, plusieurs pays de l’Union européenne (UE) ont maintenu des relations commerciales préférentielles avec leurs anciennes colonies d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, regroupées sous le nom de pays ACP. Ce système permettait aux investisseurs européens présents dans ces pays, qui contrôlaient les mines et les plantations, de continuer à approvisionner leurs industries et marchés d’origine. Toutefois, ces préférences commerciales ont été jugées discriminatoires et contraires aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) suite aux plaintes déposées par certains pays d’Amérique centrale, en particulier ceux impliqués dans le commerce de la banane.

Pour résoudre ce problème, l’UE s’est engagée à remplacer les préférences commerciales accordées aux pays ACP par des accords de libre-échange conformes aux règles de l’OMC. Elle a obtenu une "dérogation" de l’OMC lui permettant de maintenir ses préférences jusqu’à la fin de 2007 tout en négociant ces accords. Cependant, les accords de libre-échange (ALE) proposés exigeaient que les pays ACP ouvrent leurs marchés aux importations de l’UE afin de garantir un accès continu au marché européen. Cela aurait non seulement introduit une concurrence pour les producteurs vulnérables des pays ACP, mais aurait également entraîné d’importantes pertes de recettes dues à la suppression des droits de douane.

En 2002, la Commission européenne a reçu un mandat du Conseil de l’UE pour négocier des "accords commerciaux conformes à l’OMC" avec les pays ACP, qu’elle a appelés accords de partenariat économique (APE). Cependant, ce mandat allait au-delà de ce qui était nécessaire pour maintenir les préférences commerciales pour les exportations des pays ACP. La CE a inclus plusieurs "nouveaux enjeux" qu’elle avait défendus à l’OMC, tels que la facilitation des échanges, les services, la politique de concurrence, les investissements, le développement du secteur privé, les droits de propriété intellectuelle et les marchés publics.

Cette approche de la CE a rencontré une forte résistance. À l’échéance de 2007, seuls les pays des Caraïbes avaient accepté un APE complet tel que proposé par l’UE. Dans d’autres régions, l’UE a poussé les pays ACP à accepter des "APE intérimaires" portant uniquement sur les marchandises, afin de maintenir l’accès préférentiel au marché pendant que les négociations en vue d’un APE complet se poursuivaient. La plupart des pays ACP ont initialement accepté ces APE intérimaires, mais ne les ont pas ratifiés en raison de préoccupations concernant l’ouverture du marché et la clause de rendez-vous qui les obligeait à conclure des APE complets. Par conséquent, les négociations se sont prolongées malgré les nombreuses échéances imposées par la CE.

La pression exercée par l’UE n’a eu qu’un impact limité sur les pays les moins avancés (PMA) du groupe ACP, qui continuent de bénéficier d’un accès "sans droits de douane ni quotas" au marché de l’UE grâce au système de préférences généralisées de l’UE, connu sous le nom de "Tout sauf les armes". La proposition d’étendre collectivement ce traitement préférentiel aux régions ACP, en les traitant comme des régions PMA, a été rejetée par l’UE, car cela aurait entravé sa capacité à faire pression pour l’inclusion de nouveaux éléments.

Les pays ACP non PMA, tels que le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Kenya, se sont retrouvés dans une situation délicate. Le système de préférences généralisées de l’UE ne leur offrait plus le même niveau d’accès au marché de l’UE qu’auparavant, les incitant progressivement à accepter les APE. Cependant, cela a entraîné une fragmentation des zones d’intégration économique régionale telles que la CEDEAO, la CEMAC et la CAE, car les pays non PMA ayant conclu des APE ont dû ouvrir leurs marchés aux importations de l’UE, qui ont ensuite afflué vers les pays PMA.

En conséquence, la saga des APE s’est poursuivie à un rythme lent, certains pays ayant conclu des APE complets, d’autres des APE intérimaires portant uniquement sur les marchandises, et de nombreux PMA n’ayant conclu aucun APE.

La région de l’Afrique orientale et australe fait son entrée... avec un nouveau mandat d’APE inspiré du CETA !

Penchons-nous à présent sur la région de l’Afrique orientale et australe et à l’émergence d’un nouveau mandat de négociation d’APE qui rappelle l’Accord économique et commercial global entre l’UE et le Canada (CETA).

Fin 2019, l’UE a affirmé avoir reçu une demande de cinq pays de cette région pour des négociations approfondies sur un APE. Ces pays comprennent Maurice et les Seychelles, qui sont des paradis fiscaux offshore, ainsi que le Zimbabwe, un pays enclavé, et deux pays insulaires parmi les moins développés, les Comores et Madagascar.

Pour répondre à cette demande, la CE a rapidement élaboré un mandat de négociation encore plus ambitieux pour l’APE, avec l’intention de le transformer en un accord similaire au CETA. Le mandat a été approuvé par le Conseil le 19 décembre 2019, mais la CE a retardé sa publication pendant une période considérable. Néanmoins, des détails peuvent être trouvés dans mon article du 5 février 2020 sur bilaterals.org.

Depuis lors, la CE et les cinq pays de la région ont engagé quinze cycles de négociations, dont les rapports sont disponibles sur le site web de la Direction générale du commerce. Cependant, les pays africains de cette région ont une expérience et une capacité limitées pour appréhender les termes proposés par la CE. Les cycles de négociation consistent principalement en la présentation et l’explication par la CE de ses projets de chapitres. Les négociateurs africains ont sollicité l’avis de leurs sociétés civiles, mais même celles-ci ne sont pas familières avec les dispositifs de l’UE, tandis que les organisations de la société civile de l’UE semblent préoccupées par d’autres questions.

Nouvel APE avec le Kenya

Revenons maintenant au nouvel APE entre le Kenya et l’UE, salué par la CE comme "l’accord commercial le plus ambitieux de l’UE avec un pays en développement en ce qui concerne les dispositions de durabilité telles que la protection du climat et de l’environnement, ainsi que les droits du travail". Cependant, cet accord n’est pas très différent de l’APE régional signé et ratifié par la CAE en 2016.

Les autres pays de la CAE, notamment la Tanzanie, l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi, n’ont pas exprimé le souhait de suivre l’exemple du Kenya, laissant ainsi l’accord en suspens jusqu’à ce que la CAE autorise le Kenya à adhérer de manière bilatérale en 2021. L’APE a ensuite été renégocié et reparaphé le 19 juin 2023. La majeure partie du texte est restée inchangée, à l’exception du chapitre sur le commerce et le développement durable, qui reflète étroitement l’accord de libre-échange entre l’UE et la Nouvelle-Zélande et comprend des dispositions relatives au règlement des différends et à l’application de la législation.

En substance, il semble que la CE ait utilisé ce chapitre de l’accord de libre-échange entre l’UE et la Nouvelle-Zélande dans le "nouvel" APE avec le Kenya pour détourner l’attention des années de luttes, de défaites et d’échecs de l’APE, le présentant plutôt comme une réussite triomphale. Alors que la CAE reste divisée, la CE a assuré à la Tanzanie, à l’Ouganda, au Rwanda et au Burundi que la porte leur reste ouverte pour rejoindre l’APE du Kenya.

L’aventure des APE se poursuit, chaque chapitre révélant de nouvelles complexités et de nouveaux défis. Il est essentiel de suivre attentivement l’évolution de la dynamique et ses implications pour les relations commerciales entre l’UE et ses pays partenaires.


 source: bilaterals.org