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La France oppose appellations viticoles et TTIP

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EurActiv France | 17/06/2014

La France oppose appellations viticoles et TTIP

Le dossier vin constitue un casus belli pour le gouvernement français, qui envisage de bloquer les négociations transatlantiques si les appellations géographiques ne sont pas respectées.

Les noms de domaine Internet .vin et .wine pourraient bien être une nouvelle épine dans le pied des négociations transatlantiques.

Déjà fortement critiqué d’une part et d’autre de l’Atlantique, le futur partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP) pourrait se retrouver en délicatesse avec les gouvernements européens – France en tête – sur le sujet des appellations géographiques viticoles.

« Nous avons écrit au président de la Commission européenne pour lui demander d’agir, en particulier sur les noms de domaine .vin et .wine » a rapporté Axelle Lemaire à l’occasion de la remise du rapport du Conseil national du numérique (CNN) sur la neutralité des plateformes le 13 juin.

La lettre, également signée par Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture et Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères demande explicitement à la Commission européenne de s’opposer fermement à l’attribution des noms de domaine .vin et .wine en l’absence de garantie de protection des appellations viticoles françaises.

La demande pressante du gouvernement français met également l’accent sur les négociations en cours entre les États-Unis et l’Union européenne. « Cette décision pourrait mettre en péril les discussions actuellement en cours sur le partenariat transatlantiques en forçant l’imposition d’un modèle par le biais de discussions techniques sur le nommage Internet » avertissent les trois ministres dans leur courrier.

>>Lire : Les fromages compliquent les négociations transatlantiques

Et du côté américain, les craintes ne sont pas moindres. « Le gouvernement américain craint que s’il commence à reconnaitre les appellations géographiques viticoles dans le cadre de l’attribution des noms de domaines, il soit fragilisé lors des négociations transatlantiques » résume Pascal Bobillier-Monnot, directeur de la Confédération nationale des producteurs de viens et eaux-de-vie à appellations d’origine contrôlées.

Garde-fous

Le dossier des extensions n’est pourtant pas nouveau. Depuis 2011, en plus des habituels .com ou .fr, l’organisme qui gère et coordonne l’attribution des noms de domaine dans le monde, l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) a ouvert un processus d’attribution mondial de nouvelles extensions thématiques ou géographiques telles que .paris, .food, .hotel ou .wine

Mais les règles d’attribution mises en place par l’ICANN ne prennent pas en compte un certain nombre de garde-fous indispensable pour les Européens : la limitation de la spéculation sur les noms de domaines et surtout la protection de l’utilisation commerciale des indications géographiques viticoles.

Fin septembre 2013, la commissaire européenne chargée du numérique, Neelie Kroes avait déjà demandé à l’ICANN de ne pas déléguer les .vin et .wine sans qu’un compromis pour protéger les indications géographiques ne soit trouvé entre les sociétés candidates et le secteur viticole.

Le 4 avril, l’ICANN décidait donc de repousser le processus d’attribution et d’octroyer 60 jours de négociation supplémentaires aux parties prenantes. Mais à l’issue du délai, le 3 juin, « aucun accord n’a pu être trouvé » regrette la CNAOC dans un communiqué. « Et depuis, personne ne sait si la procédure d’attribution a repris son cours ou non », explique Pascal Bobillier-Monnot, son directeur.

Réunion à Londres

La missive de Paris arrive à point nommé à Bruxelles. En effet, du 22 au 26 juin, une réunion de L’ICANN doit se réunir à Londres, où le sujet du .vin et du .wine devrait occuper le devant de la scène.

Une lettre de signée par la Commission européenne et par les ministres de plusieurs États membres dont la France doit être adressée à l’instance en amont de la réunion de Londres. « Mais il est peu probable que la Commission reprenne la position de Paris sur les négociations transatlantiques » prévoit Pascal Bobillier-Monnot.

Le dossier apparait plutôt mal engagé pour certains. « Le problème, c’est que l’ICANN n’en a rien à foutre ! » reconnait pour sa part un conseiller auprès d’Axelle Lemaire, la secrétaire d’Etat chargée du numérique.

>>Lire : Inquiétude sur la place de l’UE dans la gouvernance mondiale de l’Internet

« L’ICANN prend des décisions qu’elle pense techniques, alors qu’elles ont en réalité des conséquences politiques et économiques totalement hors de proportion avec la légitimité de l’ICANN ! » a affirmé David Martinon, représentant spécial pour les négociations internationales concernant la société de l’information et l’économie numérique, lors d’une audition au Sénat. « L’instance d’appel du board de l’ICANN […] s’apprête à prendre des décisions dont il y a tout lieu de penser qu’elles seront défavorables aux positions européennes ! » a-t-il poursuivi.

La France devrait toutefois pouvoir compter sur le soutien de l’Italie sur ce dossier, qui doit prendre la présidence tournante de l’Union européenne à partir du 1er juillet 2014, succédant à la Grèce.


 source: EurActiv