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Libre-échange, les paysannes et paysans toujours perdants

Confédération paysanne | 23 mai 2024

par Maxime Combes

Libre-échange, les paysannes et paysans toujours perdants

Nouvelle-Zélande, Chili, Kenya, Mercosur ou Canada. Les accords de libre-échange provoquent des remous dans l’opinion. Jusqu’à impacter la politique européenne en la matière ?

Au nom de la dénonciation de la concurrence déloyale et de l’exigence d’un revenu décent, la Confédération paysanne met à l’index les accords de libre-échange. À juste titre : pour ouvrir de nouveaux marchés aux entreprises multinationales européennes, l’Union européenne (UE) utilise les marchés agricoles européens comme une simple monnaie d’échange.

En mettant en concurrence des systèmes agricoles reposant sur des normes sociales et environnementales, mais aussi des contextes climatiques et territoriaux, fort variés, ces accords génèrent des pressions à la baisse sur les prix. Puis, sur les normes : s’il faut s’aligner sur les prix mondiaux pour être compétitifs et ne pas disparaître, alors les normes, notamment écologiques, peuvent être clouées au pilori. Notamment par ceux et celles qui ne veulent pas regarder en face les effets de cette mise en concurrence généralisée. De quoi alimenter une course vers le moins-disant social et écologique plutôt qu’une harmonisation par le haut.

Mais, ce ne sont pas les seuls effets. Ces accords éloignent les dispositifs de contrôle de ce qui doit être vérifié : il est plus difficile de garantir que le bœuf importé du Brésil ne soit pas issu de la déforestation que d’assurer que le broutard de piémont est nourri à l’herbe. Ils rendent également plus difficiles les régulations publiques sur les prix, les stocks ou les qualités des produits échangés : la Colombie n’a-t-elle pas été sanctionnée à l’Organisation mondiale du commerce après avoir décidé de protéger sa production de pommes de terre des importations de frites industrielles européennes ?

De cette mise en concurrence généralisée il résulte l’éviction des productrices et producteurs les moins compétitifs, un allongement des filières d’approvisionnement, une dépendance accrue aux importations et la mainmise de l’agrobusiness sur l’aval et l’amont de la filière. Pas seulement ici, mais aussi dans les pays tiers dont les productions locales sont les victimes de nos filières les plus compétitives, telles que l’industrie du lait (1) ou des vins et spiritueux.

Il est donc heureux que la mobilisation agricole ait remis en débat le bien-fondé de ces accords de libre-échange. Au moment même où la Commission européenne, arrivant en fin de mandat, cherchait à en finaliser un maximum. C’est d’abord l’accord avec la Nouvelle-Zélande qui a été ratifié en décembre dernier. Entrée en vigueur ce 1er mai, il va accroître les exportations de lait, agneau, beurre, bœuf, kiwis, pommes, etc. « Cela fait partie du jeu » nous dit-on à Bruxelles, comme si le producteur d’agneau pouvait se reconvertir en exportateur de voitures ou de services financiers.

Puis ce sont les accords avec le Chili et le Kenya, conclus en décembre 2023, qui viennent d’être ratifiés en pleine mobilisation agricole. Qu’importe là aussi que plus de produits agricoles soient importés en Europe : volailles, porcs et fruits pour le Chili ; fleurs et légumes pour le Kenya. Pour d’hypothétiques gains économiques en Europe. Dans les trois cas, moins de 35 % des eurodéputé·es se sont opposé·es à ces accords. Côté français, seuls les eurodéputé·es macronistes les appuient quoi qu’il en coûte.

Mais les lignes bougent. L’accord UE -Mercosur est devenu toxique et la Commission n’a pu le conclure avant les élections comme envisagé encore il y a peu. Emmanuel Macron, en voyage au Brésil du 26 au 28 mars, a réaffirmé son opposition au contenu actuel de l’accord, mais sans exiger que le mandat avec lequel la Commission négocie en notre nom lui soit retiré. Comme s’il fallait geler le sujet le temps des élections sans régler le dossier.

Enfin, le Sénat s’est prononcé le 21 mars contre la ratification du Ceta. Cet accord de libéralisation du commerce et de l’investissement entre l’UE et le Canada est appliqué « provisoirement » depuis presque sept ans. C’est une claque pour ses promoteurs que l’Assemblée pourrait confirmer. Ces accords, rejetés par l’opinion, n’ont désormais plus de majorité politique au Parlement français. Reste à en faire autant au Parlement européen. Et à promouvoir une vision alternative, mix de souveraineté alimentaire et de solidarité et coopération internationales. Il y a du boulot.

Maxime Combes, économiste à l’Aitec et co-animateur du collectif Stop Ceta-Mercosur

Article paru dans le numéro de mai de Campagnes solidaires

Source: Confédération paysanne

 source: Confédération paysanne